Comment cela peut-il être encore pire que nous l'avions imaginé?

Elizabeth May
Réflexions sur la soi-disant Loi sur la lutte contre la pollution atmosphérique du gouvernement Harper Lors d'une annonce peu impressionnante, et après des mois de battage médiatique intense, nous pouvons enfin lire les modifications prévues à la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE). Les modifications pourraient effectivement nous permettre de nous doter d'un outil pratique : la possibilité de fixer des objectifs nationaux sur la qualité de l'air – un de ces jours. Mais à part ça, nous n'avons droit à rien d'autre que des délais sur le smog et à l'abdication de nos responsabilités à l'égard de la crise climatique mondiale. La Loi proposée n'est rien d'autre qu'une série de modifications inutiles à la LCPE; elle n'a certainement rien d'un plan. Il ne parle pas de sources d'énergie renouvelables puisque le gouvernement Harper n'envisage ni plan ni mesure à ce sujet. Ni aucune cible également. À vrai dire, nous ne pouvons rien espérer en matière de réglementation sur les polluants atmosphériques ou sur l'économie de carburant dans les voitures avant 2010-2015. Des consultations, dont la première est prévue pour cette année, sont censées mener à des cibles bien définies. La seule cible bien définie à l'heure actuelle est celle qui consiste à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 45 à 65 % par rapport aux niveaux de 2003 d'ici 2050. NOTEZ BIEN CET ÉLÉMENT CLÉ : « par rapport aux niveaux de 2003! » Donc même l'objectif d'Ignatieff qui consiste à réduire les gaz à effet de serre de 50 % par rapport aux niveaux de 1990 d'ici 2050 – objectif que j'ai vertement critiqué – est beaucoup mieux que ce qui a été annoncé aujourd'hui. Bien entendu, cela n'a pas arrêté Jason Kenney, secrétaire parlementaire du premier ministre, de comparer la cible plus élevée de son gouvernement – 65 % – avec celle d'Ignatieff – 50 % – en déclarant qu'elle est plus audacieuse, sans une seule fois mentionner que son gouvernement avait déplacé l'année de référence de 1990 à 2003, année où les émissions de gaz à effet de serre étaient de 25 % supérieures à celles de 1990. Comparons à présent le plan Harper avec la cible californienne de 80 % par rapport aux niveaux de 1990 d'ici 2050 car cette cible est la bonne. Le plan Harper passe sous silence le Protocole de Kyoto. Et, par-dessus tout, le gouvernement Harper aura sans contredit affaibli la LCPE. L'ancien ministre de l'Environnement, Stéphane Dion, avait fait le premier pas en incorporant les émissions de gaz à effet de serre à la LCPE (dans l'article sur les substances nocives) permettant ainsi d'en accélérer leur réglementation. Harper a enlevé les émissions de gaz à effet de serre de cet article solide et utilisable, remettant ainsi en question la constitutionnalité de la Loi. De plus, il ne faut pas oublier que l'article 5.1 de la Loi, celui qui porte sur l'« objet » de la portion sur la lutte contre la pollution atmosphérique, NE MENTIONNE AUCUNE raison liée au changement climatique ou aux émissions de gaz à effet de serre. Cela pourrait avoir pour conséquence de léguer à un futur gouvernement une Loi si fondamentalement défectueuse que des modifications seraient nécessaires AVANT que quiconque ne soit en mesure de réglementer les émissions de gaz à effet de serre. Pire encore, la Loi pourrait être vulnérable à une contestation constitutionnelle créant ainsi un précédent dangereux fondé sur une Loi mal structurée (de façon intentionnelle?) qui permettrait d'écarter toute mesure fédérale en la déclarant inconstitutionnelle. Si je n'avais pas été à la tête du Parti Vert, si je n'avais pas été si occupée à courir d'une entrevue à l'autre, je ne sais pas si j'aurais pu éviter ce sentiment écrasant de douleur et de tristesse qui me poussait à aller me cacher quelque part pour pleurer en silence. Le mouvement canadien visant à éviter une catastrophe climatique mondiale vient de perdre de précieuses années – non, des décennies – de travail acharné. La lutte contre la crise climatique n'est pas qu'une simple question politique de plus; il s'agit d'une obligation morale. Et surtout, le temps presse.