Lettre à la rédaction : Donnez la parole à la région de la capitale le 28 août 2014

Elizabeth May

Au rédacteur en chef,

Je suis tout à fait d’accord avec le maire Fortin pour dire que les citoyens du sud de l’île de Vancouver doivent avoir leur mot à dire - et la conclusion finale - sur la proposition d’accroître de façon draconienne le nombre de pétroliers remplis de bitume dans nos cours d’eau. Je suis aussi une des intervenantes des audiences de l’Office national de l’énergie sur le projet Kinder-Morgan.  En réduisant le processus à un exercice sur papier, en éliminant la possibilité d’un contre-interrogatoire oral, les faiblesses du projet Kinder-Morgan pourraient bien échapper à l’examen public.  

Je me suis tout d’abord présenté en tant qu’avocate de la défense devant l’Office national de l’énergie en 1980. L’organisme est quasi-judiciaire et le contre-interrogatoire est un élément essentiel du processus. En fait, c’est seulement depuis Stephen Harper que l’ONÉ refuse l’étape du contre-interrogatoire. Le fait que Stephen Harper veuille que l’ONÉ fasse rapport rapidement n’est pas une justification suffisante pour éliminer le droit des intervenants. J’ai retenu les services d’un avocat respecté en la personne de Clayton Ruby pour me représenter si le processus de contre-interrogatoire n’est pas permis.

J’ai parcouru les 15 000 pages de la demande des promoteurs de Kinder Morgan.  Je crois que la longueur est une façon d’impressionner et d’intimider. C’est long parce que c’est redondant et que ça contient des tonnes d’information non pertinente et de matériel bidon. Certaines informations n’ont ni queue ni tête. On affirme, par exemple, que le bitume dilué (mélange de bitume et de condensat toxique qui est envoyé par bateau) se comportera comme le pétrole brut dans la mer. Nous savons que les déversements de pétrole brut sont désastreux, mais nous savons aussi, selon ce que nous avons pu observer lors du déversement d’Enbridge à Kalamazoo, que le déversement de bitume dilué est pire et même impossible à nettoyer. En annexe, j’ai trouvé le rapport technique montrant les preuves fournies par KM, c’est-à-dire un test effectué en Alberta sur treize jours. Les agents contractuels de Kinder Morgan ont versé du sel de mer dans des réservoirs pour verser par la suite du bitume dilué. Ils ont ensuite mélangé le tout et ont soumis les réservoirs au vent et aux vagues dans l’environnement naturel. Les réservoirs contenaient 26,5 m3 (7000) gallons de cette substance. Des tests supplémentaires ont été faits dans des réservoirs à poisson de dimension 1m x1m  x 1m  et dans des seaux de plastique de cinq gallons. Les tests sur les seaux de plastique de cinq gallons et les réservoirs de poissons ont échoué, selon les chercheurs :

« Des erreurs se sont produites dans les réservoirs à poisson en raison du déversement qui s’est soldé par une grande dispersion dès le départ à cause de l’entrée d’air. La nappe de pétrole était plus large que la règle à mesurer et a pris une forme asymétrique. »

En d’autres mots, cette fameuse recherché a été faite par une équipe pendant treize jours qui n’avait pas de règle de bonne taille pour mesurer le déversement d’un seau de cinq gallons. Et cet exemple n’est pas le seul du genre dans la demande de KM. Un autre intervenant a déniché le fait que le modèle utilisé par KM pour prévoir la dispersion de déversement de pétrole – présenté par KM dans le rapport comme une méthode approuvée par une agence de protection environnementale américaine – était en fait une ébauche de publication de l’agence en question qui avait échoué lors d’un examen par les pairs. KM avait enlevé le mot « ébauche » dans sa demande, un geste équivalant à de la fraude. 

Nous devons empêcher que le processus de l’ONÉ ne se limite qu’à un examen sur papier. Nous devons être présents physiquement lors de cet examen et avoir le droit de contre-interroger les promoteurs de Kinder Morgan.


Elizabeth May, O.C.
Députée fédérale
Saanich-Gulf Islands  

Chef du Parti vert du Canada