J’ai voté contre la motion du NPD sur le climat

Elizabeth May

J’aurais vraiment souhaité que le NPD présente une motion pour laquelle j’aurais pu voter. Il faut absolument que nous ayons un bon débat sur la question du climat et un appel énergique en faveur d’une action gouvernementale doit être lancé. Mais je ne pouvais tout simplement pas voter en faveur de cette motion.

En voici le texte :

Que la Chambre :

a) reconnaisse, comme bon nombre de Canadiens et l’Agence internationale de l’énergie, que les répercussions d’un réchauffement de 2 degrés de la température moyenne globale suscitent de graves préoccupations;

b) dénonce le manque de mesures concrètes des gouvernements fédéraux qui se sont succédé depuis 1998 pour régler le problème des émissions et honorer nos engagements au titre du Protocole de Kyoto;

c) demande au gouvernement de déposer immédiatement son programme fédéral d’adaptation au changement climatique.

Je lis ces trois paragraphes et je vois des problèmes dans chacun. Avant de les décortiquer, je voudrais m’arrêter sur le problème fondamental de cette motion : elle omet de pousser l’administration de Stephen Harper à l’action pour contrer d’une façon ou d’une autre la menace posée par l’augmentation des gaz à effet de serre.

 La partie de la motion (c) qui lance au gouvernement un appel à l’action parle d’intervenir « immédiatement » (pas mal!) pour « déposer (…) son programme fédéral d’adaptation au changement climatique. » (Oups! l’action s’est égarée en chemin!)

 Un « plan d’adaptation » parle de s’adapter aux changements climatiques. J’ai longtemps réclamé, avec le Parti vert, la mise en œuvre d’un tel plan. Mais jamais je ne l’aurais réclamé sans réclamer conjointement des mesures visant à réduire ces changements climatiques auxquels nous devrons nous adapter. Omettre de réclamer de telles mesures avec un plan d’adaptation, c’est annoncer que nous jetons l’éponge; que nous baissons les bras pour ce qui est de réduire la pollution par le gaz carbonique; que nous essaierons, au mieux, de freiner la montée du niveau des océans; que nous nous adapterons à la baisse des eaux des Grands Lacs et de la baie Georgienne; que nous sèmerons des cultivars résistant à la sécheresse; que nous nous résignerons à lutter contre des feux de forêts de plus en plus fréquents; à la fonte des glaces de l’Arctique, du pergélisol, etc.

 Pourquoi le NPD n’a‑t‑il pas lancé un appel à l’action dans sa motion? A‑t‑il oublié de le faire? Craint‑il qu’un véritable appel à l’action pour combattre le réchauffement climatique engendre un débat public sur les politiques d’établissement du prix du carbone et de taxe sur le carbone? Où peut‑être pense‑t‑il qu’un « plan d’adaptation » implique une sorte de plan de réduction des gaz à effet de serre? Si c’est le cas, alors il est déconnecté des concepts clés de la politique climatique en vigueur depuis la ratification de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992.

 Mais retournons à la case départ. La formulation du premier paragraphe est tellement relâchée qu’elle minimise la gravité de l’augmentation de la température moyenne mondiale de 2 0C, plutôt que de l’accentuer. Fallait‑il entreprendre la phrase avec quelque chose d’aussi chétif que ceci : « comme bon nombre de Canadiens et l’Agence internationale de l’énergie »? Pourquoi ne pas avoir écrit « … comme un consensus de climatologues du monde entier, du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, de l’Agence internationale de l’énergie, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, en accord avec les engagements pris par le Canada à Copenhague pour maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale à moins de 2 0C »?

La maigreur du contenu est un bien mauvais début, mais les choses se gâtent encore plus par la suite : « les répercussions d’un réchauffement de 2 degrés de la température moyenne globale suscitent de graves préoccupations ». De graves préoccupations? Des répercussions? C’est tout? Et pourquoi pas une déclaration précise comme celle‑ci :

 « Les scientifiques sont parvenus à cette conclusion : pour conserver des chances raisonnables d’éviter l’effondrement de la civilisation en raison des répercussions catastrophiques d’un réchauffement mondial irréversible et effréné, les humains devront maintenir l’augmentation de la température mondiale moyenne à moins de 2 0C par comparaison avec la moyenne préindustrielle. En fait, pour éviter la fonte des glaces de l’Arctique, nous devrions nous évertuer à maintenir cette augmentation à moins de 1,5 0C. »

 Le libellé de la motion du NPD laisse entendre qu’il y aura une augmentation de 20C et que ses répercussions suscitent de graves inquiétudes. Les rédacteurs omettent de relier cette augmentation de 2 0C au déclenchement d’un réchauffement mondial irréversible échappant à tout contrôle, un problème beaucoup plus sérieux que les répercussions immédiates de la simple augmentation de 2 0C.

 Le deuxième paragraphe, quant à lui, est une tentative délibérée de piéger les Libéraux. Ainsi va la vie politique, et je devrais le savoir. Mais lorsque la question porte sur le droit de nos enfants de vivre dans un monde habitable, cette petite politique me rend malade. Le bilan des Libéraux en matière de climat, il est vrai, est lamentable. Jean Chrétien a ratifié le protocole de Kyoto, bravo, mais il n’a pas proposé de plan. Pendant des années, en tant que directrice générale du Sierra Club du Canada, j’ai réclamé des actions et j’ai critiqué les Libéraux pour leur inaction. Paul Martin est passé aux actes, ainsi que son ministre de l’Environnement, Stéphane Dion, en proposant en 2005 un plan crédible. Stephen Harper a enterré ce plan en 2006. Malgré tout, ce deuxième paragraphe ne m’aurait pas empêchée de voter contre la motion, n’eût été l’absence d’un véritable appel à l’action pour réduire les gaz à effet de serre. Mais, hélas, il était à prévoir que le NPD chercherait à libeller sa motion de l’opposition de manière à obliger les Libéraux à voter contre elle et à paraître ainsi sous un mauvais jour.

 Pourquoi toute cette histoire nous intéresse‑t‑elle? Très simple. Si le climat vous tient à cœur, vous écrirez une motion de manière à lui donner le plus de chances d’être adoptée. Vous ne jouerez pas au plus fin.

 Le NPD a aussi joué à ce petit jeu la semaine passée avec la motion sur le Traité Canada‑Chine sur les investissements. Il a repoussé les efforts des Libéraux pour modifier la motion. Pourquoi? Pour que les députés libéraux ne puissent pas voter avec les députés du NPD. Au moins, la motion était claire et je n’avais aucun problème à voter avec le NPD. Mais j’étais furieuse qu’un enjeu aussi important que l’obstruction à la signature du Traité avec la Chine soit saboté pour des gains partisans à très court terme (j’étais aussi furieuse que les Libéraux votent avec les Conservateurs… en d’autres mots, je souhaitais que le ciel leur tombe tous sur la tête!)

 La crise climatique menace notre survie même. Je suis outrée d'une telle partisanerie au sujet d’un enjeu si fondamental. Pour l’amour du ciel, présentez des motions qui auront des chances d’être adoptées et tordez ensuite des bras dans les rangs du caucus conservateur afin de faire adopter une motion qui en vaut le coût.

Voilà, je crois avoir fait le tour de la question et j’ai expliqué pourquoi je n’ai pu voter avec le NPD. J’aurais aimé voir un groupe unifié de députés de tous les partis d’opposition défendre cette cause. Et, contre toute attente, peut‑être même voir quelques députés conservateurs, qui comprennent la nécessité d’agir pour contrer les changements climatiques, voter avec nous pour donner à cet appel pour une réduction des gaz à effet de serre la chance d’être adopté. La motion d’aujourd’hui ne parlait pas d’action pour lutter contre le réchauffement climatique. Mais rien ne nous empêche d’essayer de rédiger correctement une autre motion, une prochaine fois.