Vérité fantasmée et vérité factuelle

Elizabeth May

Je ne connais pas M. McCullough. À lire ses blogues, il semble toutefois faire partie de ces « experts » commentateurs au cynisme élimé. Son étrange attaque dirigée contre moi (je suis selon lui une « entité sans signification, un vestige archéologique de la politique canadienne ») est truffée de ces erreurs qui favorisent une vérité fantasmée aux dépens de la vérité factuelle.

Par exemple. Il dit que j’occupe le devant de la scène politique depuis bientôt dix ans. Ce qui est vrai si vous considérez que sept ans à la tête du Parti vert sont presque dix ans. Et je suis députée depuis moins de deux ans. En mesurant le temps en siècles, il n’a commis qu’une erreur d’arrondissement; mais pour ce qui touche à la politique canadienne, c’est tout simplement faux.

Plus bizarre encore, l’assertion suivante : « Si elle est célèbre, en tout premier lieu, c’est en partie parce qu’elle a siégé à un certain comité de l’ONU sur l’environnement présidé par Maurice Strong ». Ne lui en déplaise, ce n’était pas à un comité de l’ONU, mais plutôt à la Commission de la Charte de la terre, formée de penseurs influents et d’anciens premiers ministres et de présidents originaires du monde entier.

La Commission était présidée conjointement par Maurice Strong et Mikhail Gorbachev. J’y avais été nommée en 1997, car j’avais joué un rôle de premier plan dans le mouvement environnemental au Canada pendant plus de vingt ans. Par ailleurs, je n’ai pas « gagné » l’Ordre du Canada, comme l’écrit M. McCullough. J’ai eu l’honneur d’être nommée Officier de l'Ordre du Canada pour les dizaines d’années consacrées à ma mission. Une personne ne « gagne » pas cet honneur comme à la loterie.

Mais le plus étrange élément de ce blogue est sans doute le postulat voulant que le Parti vert et moi ne fassions qu’un, comme si le Parti vert, incorporé en 1983, n’existerait tout simplement pas si je n’étais pas née. À part moi, qu’il insulte « vertement », M. McCullough insulte aussi le Parti en entier en suggérant que le Parti vert du Canada est mon « piédestal de vanité » personnelle.

Je suis la neuvième chef du Parti vert du Canada. Avant moi, Jim Harris a réussi, de façon extraordinaire, à faire connaître le Parti. Il a, en 2004 et 2006, pris la tête d’un contingent de 308 candidats au cours des élections fédérales. Aujourd’hui encore, nous sommes un parti dynamique, d’un océan à l’autre, et nos candidats ont brigué un siège dans plus de 300 circonscriptions électorales en 2008 et en 2011.

Je me suis ralliée pour la première fois au Parti vert après les élections de 2006. J’ai alors démissionné de mon poste de directrice générale de Sierra Club Canada après 17 années de service. M. McCullough se perd en affirmant que je trouve Stephen Harper « effrayant ». Je n’ai jamais rien dit de tel et il ne m’effraie pas pour un sou. Ce sont ses politiques qui m’effraient. Et c’est le sort inquiétant réservé aux dizaines de politiques et de lois environnementales sous le règne de Stephen Harper qui m’a poussé à quitter le Sierra Club et à présenter ma candidature en 2006 pour le poste âprement convoité de chef du Parti vert.

Nous avons besoin d’un Parti vert, au Canada parce qu’aucun des autres partis ne parle sérieusement de la crise des changements climatiques ni ne propose des solutions pour contrer ses menaces les plus sérieuses. Aucun des autres partis, non plus, ne porte attention à la manière dont l’administration de Stephen Harper démantèle la respectée fonction publique canadienne et sa capacité intrinsèque d’élaborer des politiques.

Contrairement à la diatribe mal informée de M. McCullough, les principes verts s’opposent au modèle « grand chef » des autres partis. Notre gouvernance est fondée sur un conseil national élu. En vertu de notre Constitution, les pouvoirs conférés par la Loi électorale du Canada à chacun des chefs de parti d’approuver les nominations de candidat sont limités; car toute décision de refuser une nomination doit être approuvée par trois membres du conseil sur quatre.

Nous aurons plus de députés. Les Canadiens verront alors ce qui arrive lorsqu’un parti respecte les valeurs démocratiques de notre système parlementaire britannique, ne vote pas selon les consignes d’un whip ou n’insiste pas sur une solidarité aveugle dans chaque débat et dans chaque vote. Nous avons élaboré un programme global de bien‑être économique et de transition vers une société à faibles émissions de carbone fondée sur la justice sociale et la responsabilité.

La démocratie canadienne peut compter sur les Verts.