Pourquoi le budget 2012 est-il le pire dans l’histoire du Canada?

Elizabeth May

Il ne fait
aucun doute que les conservateurs de Harper sont stratégiques, voire astucieux.
Les principaux médias nationaux semblent considérer le budget comme étant d’une
certaine manière « moins » – moins pire, moins impitoyable et ayant
moins d’impact que ce à quoi il s’attendait. Même le fait de voir passer l’âge
de la retraite de 65 à 67 ans semble avoir perdu son impact avec l’annonce-surprise
faite par le premier ministre à Davos en janvier.

Selon un
conservateur convaincu comme Andrew Coyne, le budget ne réussit pas à toucher
les valeurs traditionnelles conservatrices. Je suis du même avis. L’une de ces
valeurs était la conservation des ressources naturelles.

Éponger un
déficit n’est jamais une tâche facile. Cela nécessite des choix. Avec notre
ensemble de propositions Coups de ciseaux verts, nous avons trouvé plusieurs
sphères où faire des compressions. Diminuer la publicité gouvernementale,
réduire le budget du Cabinet du premier ministre et diminuer les subventions
aux combustibles fossiles, au nucléaire et aux biotechnologies comptent parmi
de nombreuses mesures pouvant offrir d’importantes économies.

Les choix
faits à l’époque où Paul Martin était ministre des Finances ont été dévastateurs
pour les services sociaux. Je crois que la plupart des électeurs progressistes
auraient cru que ces budgets ont été les pires de l’histoire récente en raison
des compressions faites dans les soins de santé, les transferts aux provinces
et ainsi de suite.

La portée
des dommages causés par le budget se mesure maintenant en pourcentage de
compression du financement. Ainsi, une compression de 6 % des dépenses
pour Environnement Canada ou de 4 % pour Parcs Canada n’évoque pas à
première vue un budget anti-environnemental.

Voilà donc
pourquoi il est pire. La menace la plus importante faite à notre avenir est la crise
climatique. Un gouvernement responsable travaillerait à réduire notre
dépendance aux combustibles fossiles et à maximiser les emplois liés à l’amélioration
du rendement énergétique et les investissements en matière d’économie d’énergie
et d’énergies renouvelables. Ce budget ne fait même pas mention des changements
climatiques.

Au
contraire, le gouvernement réécrit les lois et la réglementation en matière
d’environnement afin d’accélérer l’exploitation des combustibles fossiles. Le
stratagème du pipeline Enbridge et des superpétroliers a manifestement
bénéficié du budget. La prétendue « rationalisation » de l’évaluation
environnementale ne constitue qu’une volonté de mettre fin, partout où cela est
possible, aux évaluations environnementales effectuées au niveau fédéral pour
les donner aux provinces. Fait étonnant, les limites de temps imposées par le
budget aux examens environnementaux sont prétendument applicables rétroactivement
aux examens déjà en cours (et déjà affaiblis par les changements apportés à
l’ACEE dans le cadre de la Loi d’exécution du budget 2010) pour le mégapipeline
Enbridge, qui traverse les Rocheuses jusqu’à Kitimat pour ensuite faire naviguer
des superpétroliers sur des eaux parmi les plus traîtres de la planète.

Des fonds
sont alloués par millions à des organismes liés au pipeline; nous assistons à un
important éco blanchiment visant la « sécurité des pétroliers » et
nous sommes témoins de l’allocation de fonds pour aider à une exploitation en haute
mer qui ressemble à de la prospection sismique faite par le gouvernement pour
le compte de l’industrie.

Le budget
cible comme principal objectif l’exploitation des combustibles fossiles – le
forage pétrolier en haute mer, la mise en péril des ressources halieutiques
sensibles et à haut rendement du golfe du Saint-Laurent, l’exportation du
bitume pour la création d’emploi dans les raffineries situées dans d’autres
pays et l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux.

La voix des
critiques est bâillonnée. Même l’organisme interne docile que représente la
Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie a été éliminé. Créée
sous Brian Mulroney, la TRNEE a continué à parler des changements
climatiques. Ses rapports étaient issus d’un processus multilatéral auquel a
toujours pris part l’industrie, mais le simple fait de mentionner les
changements climatiques peut s’avérer dangereux si vous êtes, selon vos statuts,
un conseiller du gouvernement. Ses règlements seront donc abrogés et son budget
sera éliminé.

Les actions
« inconvenantes » des groupes environnementaux ont quant à elles
encouragé le gouvernement à verser 8 millions $ à l’Agence du revenu du Canada
– 8 millions $ pour mettre sur pied de nouvelles règles visant à faire taire la
critique – pour mettre sur pied des « sanctions » contre les
organismes de bienfaisance qui seront considérées comme étant trop
« politisées. »

Tout cela
est accablant. Prises dans leur ensemble, ces mesures représentent une véritable
guerre contre l’environnement et elles ne peuvent rester incontestées. Stephen
Harper a reçu des appuis suffisants en Chambre et à la suite d'un spectacle
politique aussi houleux que déplaisant, son budget sera adopté. Nous avons
besoin d’une mobilisation communautaire afin de faire savoir à Stephen Harper
que « nous n’abandonnerons pas nos enfants et nos petits-enfants aux
ravages causés par la crise climatique. Vous n’avez pas le droit de tourner le
dos à nos enfants. Nous vous en empêcherons. »