Le rejet de Kyoto : il doit y avoir un prix politique à payer

Elizabeth May

Je viens à peine de
rentrer de la Conférence de Durban (CdP 17). Tout comme Peter Kent
d'ailleurs. À la différence que lui, il est revenu en annonçant que le Canada
frapperait un coup dur à l'accord fragile issu de la Conférence. Je suis
certaine que vous avez entendu que le Canada avait déjà entrepris les démarches
légales pour se retirer de Kyoto.

Jamais dans toute
l'histoire du Canada notre pays s'était retiré d'un traité qu'il avait ratifié
– sur aucune question. Jamais.

Je ne vois pas comment
les autres délégations qui ont négocié avec la position obstructionniste du
Canada à Durban, où nous avons négocié à titre de signataires du Protocole de
Kyoto, pourraient croire que nous avons négocié de bonne foi.

À partir du moment où CTV
a révélé que le cabinet de Stephen Harper avait décidé de se retirer
légalement du Protocole de Kyoto – sans débat et sans vote en Chambre –,
j'étais convaincue que cette rumeur était vraie, tout en espérant de tout cœur que
le gouvernement abandonnerait l'idée.

Mais c'est maintenant
chose faite et c'est une catastrophe. Cette fois, c'est encore pire que toutes
les autres mesures régressives prises par le gouvernement Harper pour bloquer
toute action concrète dans la lutte contre la crise climatique.

Kent a annoncé le retrait
légal du Canada du Protocole de Kyoto avec une série d'affirmations bizarres et
alarmistes. Comme si le Protocole de Kyoto allait réellement punir des
hors-la-loi comme le Canada. Comme si Kyoto prévoyait des minimums obligatoires
draconiens comme le Projet de loi omnibus sur la justice criminelle. Kyoto n'a
aucun mécanisme d'application efficace. En fait, les sanctions s'appliqueraient
uniquement à un pays qui choisirait de s'engager pour une seconde période aux
termes de Kyoto (PAS le Canada). Et même si c'était le cas, cela signifierait
simplement que le Canada devrait bonifier la cible négociée (en supposant que
le Canada négocie) de 0,3 tonne pour chaque tonne à laquelle nous nous engageons.
Ainsi, dans les négociations, nous pourrions tenir compte du montant de la
pénalité et fixer une cible suffisamment basse pour absorber la pénalité.
Chaque pays négocie ce qu'il est disposé à accepter. C'est pourquoi en 1997, la
cible de l'Australie était de 8 % au dessus des niveaux de 1990, alors que
tous les autres pays s'engageaient à réduire leurs émissions en dessous des
niveaux de 1990 (le Canada de 6 %, les États‑Unis de 7 % et l'Union
européenne de 8 %). Il est vrai que la majorité des nations européennes
n'ont pas seulement atteint leur cible de 8 % – elles ont réduit leurs
émissions de 20 % et même au‑delà. Dans l'ensemble, l'Europe largement
atteint les cibles qu'elle s'était données aux termes de Kyoto.

Kent affirme que Kyoto
coûterait 14 milliards de dollars au Canada. Foutaise.

Sur quoi base-t-il cette
affirmation? Les répercussions économiques auxquelles on s'exposerait en
essayant de réduire nos émissions sans avoir de véritable plan pour le faire, un
an seulement avant l'échéance prévue pour l'atteinte de notre cible de 6 %
et en supposant que l'on compense cet échec avec l'achat de crédits en nombre
suffisant pour atteindre notre cible, pourraient en effet se chiffrer à
14 milliards de dollars. Je n'ai pas vérifié leurs calculs, simplement
parce que tout cela sonne tellement faux. Rien dans Kyoto ne nous oblige à
dépenser un seul dollar. Rien dans Kyoto ne peut induire ou obliger un pays à
acheter des crédits.

Et maintenant, malgré la
volonté de Harper de donner la mort à Kyoto et l'affirmation de Kent selon
laquelle « Kyoto est chose du passé pour le Canada », regardons ce
qui a été approuvé à Durban : une seconde période d'engagement aux termes
de Kyoto. Le nombre de pays ayant accepté de s'engager pour des cibles fermes
est encore trop peu élevé, mais tous ont l'intention de le faire. On peut difficilement
affirmer que Kyoto est « chose du passé. »

Qu'est-ce qui est « chose
du passé? » La réputation du Canada comme pays ayant de l'intégrité. La
réputation du Canada comme pays sachant faire preuve de leadership en matière
d'environnement.

Ce qui ne doit pas
devenir chose du passé cependant est notre seule et unique chance d'éviter des
changements climatiques cataclysmiques.

Nous sommes à court de
temps (lire à ce sujet le dernier rapport de l'Agence internationale
d'énergie). Les accords de Durban sont faibles et le Canada vient de leur
donner un bon coup de pied là où ça fait mal.

Alors bien que, comme
moi, vous pourriez avoir envie de vous jeter par terre et de pleurer de rage
pour cette trahison envers notre avenir, pour la perte de la ratification de
Kyoto par le Canada, évitez de gaspiller ainsi votre énergie. Relevez-vous. Ne
vous laissez pas faire. 

Relevez-vous et prenez
une décision ferme : il ne faut pas laisser Stephen Harper s'en tirer
aussi facilement. Il doit en payer le prix politique.

Écrivez des lettres à
tous les journaux pour dénoncer le fait que la volonté de la majorité des
Canadiennes et des Canadiens qui appuient Kyoto a été ignorée. Passez du temps
dans les médias sociaux. Faites part de vos commentaires. Votez le pouce en
l'air et le pouce en bas. Si vous avez un député conservateur, inondez la boîte
vocale de votre circonscription de messages dénonçant la situation. Exigez une
rencontre. Organisez des manifestations. Signez des pétitions en ligne. Faites
un don au Sierra Club, à la Fondation David Suzuki et au Fonds mondial pour la
nature et demandez-leur d'organiser des campagnes exigeant au Canada de demeurer
au sein du Protocole de Kyoto. Notre retrait légal entrera en vigueur l'an
prochain seulement; il nous reste encore un peu de temps pour faire marche
arrière.

Demandez pourquoi le
Parlement a eu le droit de voter pour la ratification de Kyoto
(17 décembre 2002), mais pas de débattre et encore moins de voter
pour son rejet en 2011. Demandez pourquoi ils mentent aux Canadiennes et aux
Canadiens en affirmant que demeurer au sein de Kyoto nous coûterait
14 milliards de dollars.

Je sais que c'est presque
Noël, mais comment pouvons-nous nous réjouir avec nos enfants et nos
petits-enfants alors que l'artère de leur avenir vient d'être sectionnée par un
gouvernement irresponsable?

Ce n'est pas une question
partisane. Mulroney a fait preuve de leadership mondial sur le climat. Chrétien
a ratifié Kyoto, mais jamais présenté de plan. Paul Martin (avec Dion
comme ministre de l'Environnement) a produit un plan raisonnable.
Stephen Harper a tué ce plan à peine quelques semaines après être devenu
premier ministre. De toute évidence, le premier ministre n'a aucune idée pourquoi
il est si important de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Mais il a
une bonne idée des coûts politiques. Il doit payer cette trahison au prix fort. 

Même si c'est
pratiquement Noël, Hanoukka et les Fêtes de fin d'année, laissez tomber le
magasinage de dernière minute. Peu importe ce que vous aviez l'intention
d'acheter, vos enfants ont encore plus besoin d'un monde vivable.