« On en gagne, on en perd »

Elizabeth May

Voilà comment le premier ministre Stephen Harper a réagi aux deux décisions le jour où son gouvernement a été reconnu coupable d’atteintes au privilège parlementaire – « On en gagne, on en perd ».

Reconnaître M. Harper coupable d’atteintes au privilège parlementaire revient à dire que le premier ministre a fait fi des règlements de la Chambre et a contrevenu au respect dont tout gouvernement de la Chambre des communes est tenu de faire preuve. De toute évidence, M. Harper agit comme s’il était au dessus de la loi. En fait, il agit comme s’il ignorait complètement la suprématie du Parlement.

C’est ainsi que, avec un haussement d’épaule philosophique, concocté stratégiquement pour faire croire que deux blâmes dans une même journée n’avaient rien de bien grave, le premier ministre a déclaré : « On en gagne, on en perd. »

Cette déclaration m’a obligée à m’arrêter pour me demander, mais quand a-t-il vraiment « gagné »? Au cours de la dernière année, le président de la Chambre a rendu quatre décisions distinctes. La première portait sur le refus du gouvernement de divulguer les documents sur les détenus afghans, en mai 2010. Puis en janvier 2011, le président de la Chambre a rendu une décision sur une plainte à propos du document de l’ACDI accordant un financement à KAIROS, puis sa version modifié (avec l’ajout de « NOT ») qui le lui retirait. Enfin, les deux blâmes qui lui ont été servis hier, dont l’un portait sur une plainte selon laquelle le gouvernement n’avait pas remis à la Chambre des documents au sujet du coût des nombreux projets de loi touchant la criminalité, et l’autre portait encore une fois sur les déclarations mensongères de la ministre Bev Oda en lien avec la controverse sur KAIROS.

Le président de la Chambre a jugé chaque fois que le comportement du gouvernement avait été inapproprié et l’a reconnu coupable d’atteintes au privilège parlementaire à trois occasions.


Il aurait été plus juste pour le premier ministre de dire « On en perd et on continue de perdre parce qu’on ne change jamais d’attitude. »

En fait, le gouvernement de Stephen Harper établit des records de manque de respect pour la suprématie du Parlement. M. Ned Franks, professeur émérite en sciences politiques à l’Université Queen’s, a dit au Chronicle Herald qu’aucun gouvernement dans l’histoire du Canada n’avait aussi souvent perdu lors de décisions rendues par le président de la Chambre. M. Franks a même ajouté que : « [les décisions] suggèrent, dans le meilleur des cas, que le gouvernement ignore les règlements et les principes qui gouvernement une démocratie parlementaire et, dans le pire des cas, qu’il s’en balance complètement et qu’il essaie simplement de tirer son épingle du jeu. »

Pour couronner le tout, nous avons le ministre Jason Kenney qui utilise son bureau de la Colline Parlementaire pour financer de nouvelles publicités (pour cibler les Canadiennes et les Canadiens qu’il qualifie de « très ethniques »), la violation de la Loi électorale, une manœuvre frauduleuse de fausses factures que le M. Harper a balayée du revers de la main en qualifiant l'incident de « querelle administrative », et le bâillon et l’entente à l’amiable avec son commissaire à l’éthique, qui est accusé par la vérificatrice générale du Canada Sheila Fraser d’avoir manqué à son devoir de protection envers les dénonciateurs. Tout cela en une seule semaine.

Il n’est pas étonnant que certains d’entre nous croient que la démocratie est à l'article de la mort. Avec son commentaire cynique, « on en gagne, on en perd », M. Harper n’est apparemment pas conscient du fait que la véritable perdante avec tous ses abus de pouvoir n’est nulle autre que la démocratie.