En mémoire de Kaila

Elizabeth May

Il y a un an aujourd’hui, le 28 février, une jeune femme extraordinaire quittait notre monde. Elle était l’une des meilleures amies de ma fille et occupait une grande place dans nos vies. Pas une journée ne s’écoule sans que je pense à elle, et à l’approche de cette date anniversaire, l’effort requis pour retenir mes larmes m’a véritablement pris de court.

Kaila est sans doute la personne la plus courageuse que j’ai connue. Ayant dû se battre contre une tumeur agressive alors qu'elle était encore toute petite, sa vie fut faite de combats successifs contre la maladie. Dans un sens, elle a passé toute sa vie à lutter contre le cancer. La chimiothérapie qu’elle a dû endurer alors qu’elle n’était qu’un bébé l’a tellement affaiblie qu’arrivée en 2e secondaire, elle souffrait d’insuffisance cardiaque. En 3e secondaire, elle a subi une transplantation cardiaque. Cette opération a donné un nouveau souffle à sa vie, mais cet instant s’est avéré beaucoup trop court.

Personne n’oserait dire qu’elle n’a pas vécu pleinement. Malgré une succession de chirurgies, pour corriger le pied qui ne se posait jamais complètement à plat sur le sol ou pour enlever une pléthore de tumeurs, et d’autres défis, petits et grands, elle mordait dans la vie à pleines dents avec l’esprit d’une conquérante. Elle a participé aux Jeux mondiaux pour les greffés en Thaïlande, où elle a remporté la première place à la course de bicyclettes. Elle et sa merveilleuse maman ont visité Hawaii grâce à la fondation Rêves d’enfants. En 2e secondaire, Kaila est partie en France avec ma fille et d’autres amies. Elle nous a accompagnées, ma fille et moi, lors de nombreux voyages en Nouvelle-Écosse ou en train à New York. Quand j’étais trop fatiguée pour continuer, elle insistait en disant qu’il restait encore beaucoup de choses à voir et qu’il n’y avait pas une minute à perdre. Elle avait raison. Elle est morte pendant sa première année d’études à McGill. Son corps a fini par rejeter ce merveilleux nouveau cœur et personne n’a rien pu faire pour la sauver. L’hôpital n’avait jamais vu autant de monde; des dizaines de jeunes étaient venus avec leur famille et avaient veillé sur elle pendant 60 heures.

Ainsi, en mémoire de Kaila, j’écris aujourd’hui dans ce blogue pour demander des actions concrètes sur la question des dons d’organe et pour que davantage soit fait pour lutter contre le cancer chez les enfants.

Récemment, un reportage de The Sunday Edition avec Michael Enright diffusé sur les ondes anglaises de la SRC se penchait sur la question et notait que le Canada était à la remorque de nombreux pays sur la question des dons d’organes, que les Canadiennes et les Canadiens doivent autoriser en signant un autocollant qu'ils collent au dos de leur carte d’assurance-maladie (ou dans d'autres provinces, leur permis de conduire). En effet, le Canada se situe dans la moitié inférieure des pays industrialisés en ce qui a trait aux transplantations d’organes. Je sais que c’est une question de compétence provinciale et que nous sommes un parti fédéral, mais nous avons un rôle de conscientisation à jouer. Un certain nombre de militants qui ont fait de la question du don d’organe leur cheval de bataille m’ont déjà abordée en suggérant d’inverser le fardeau de la preuve – seuls ceux qui signeraient leur carte pour dire qu’ils refusent de faire don de leurs organes devraient être exclus du programme de don d’organes. L’inaction, soit le fait de ne pas signer sa carte, serait considérée comme un consentement. C’est une approche comme une autre, mais elle me semble plus logique que celle proposée à l’émission The Sunday Edition, soit la création d’un marché où les gens seraient rémunérés pour leurs dons.

Une nouvelle transplantation de cœur n’aurait pas permis de sauver la vie de Kaila. Mais l’absence d’un nouveau cœur cinq ans auparavant nous l’aurait enlevée cinq années trop tôt. Et ce maudit cancer. Nous devons poser les bonnes questions pour savoir à quoi est attribuable cette hausse du taux de cancer chez les enfants. Je fais partie de la dernière génération à croire que le cancer n’est pas une maladie infantile. La triste réalité est qu’un habitant d’Amérique du Nord reçoit la plus importante dose de produits chimiques toxiques de sa vie entre le moment de la conception et la naissance. Les produits chimiques toxiques accumulés dans le corps de la femme peuvent traverser le placenta et compromettre la vie de l’enfant que la femme aimera plus que sa propre vie.

Nous devons éliminer de notre société les produits chimiques qui tuent. Il existe habituellement des solutions de rechange non cancérigènes, mais notre système de réglementation ne fixe pas des objectifs comme « éliminer les produits cancérigènes ». Ce sont plutôt les notions « d’évaluation du risque » et de « gestion du risque » qui semblent avoir la cote aujourd’hui. Notre système dicte de conserver les produits cancérigènes, tout en s’assurant de dire au grand public que les doses que nous recevons sont trop faibles pour causer le cancer. Ce n’est pas suffisant. Nous devons rétablir les principes fondamentaux de la santé publique, qui dictent de prendre des mesures concrètes pour prévenir les risques inutiles.

S’il vous plaît, faites quelques gestes concrets cette semaine. Signez votre carte d'assurance-maladie pour faire don de vos organes. Faites pression sur nos élus pour qu’ils interdisent l’emploi de pesticides dans nos parcs et sur nos pelouses. Consultez la liste des produits chimiques utilisés dans les écoles de vos enfants. S’il vous plaît, faites-le en l’honneur de la mémoire de Kaila.