L’Égypte

Elizabeth May

Des événements extraordinaires sont venus bouleverser le cours de l’existence de tout un peuple. En moins de trois semaines, un régime inébranlable depuis près de 30 ans a été renversé. Il a été renversé de manière essentiellement pacifique, bien que 300 vies aient été perdues dans le processus (selon les observations de Human Rights Watch).

Comme chef du Parti vert du Canada, j’ai été le premier chef d’un parti fédéral canadien à réclamer l’appui de notre gouvernement pour ce soulèvement populaire en faveur de la démocratie. Le 31 janvier, j’ai exhorté notre gouvernement à réclamer la démission de Moubarak. Il ne l’a pas fait. Les appels peu convaincants du gouvernement du Canada traduisaient un souci de prudence et favorisaient un peu trop la dictature et la stabilité au détriment de la démocratie. Malheureusement, cela traduit bien l’étroitesse d’esprit du gouvernement Harper dans le dossier du Moyen-Orient par rapport à son soutien pour Israël. Son incapacité à imaginer que d’autres préoccupations peuvent cohabiter sur l’échiquier du Moyen-Orient – comme les aspirations pour la démocratie dans le monde arabe – a contribué à la dérive de notre gouvernement et l’a rendu incapable de faire preuve de sagesse dans une situation où il fallait réagir rapidement.

Un nouveau gouvernement en Égypte aura l’impression que le gouvernement du Canada – ça c’est si le Canada lui vient à l’esprit – n’a rien fait pour soutenir la démocratie. Ce sentiment a été exacerbé par les réactions plus récentes du premier ministre, en visite à Terre-Neuve, au moment où il apprenait la démission de Moubarak. Je vous cite les paroles prononcées par le premier ministre :

« C'est clair pour tout le monde qu’il y a une transition à l’œuvre en Égypte. Comme on dit : "On ne peut pas remettre le dentifrice dans le tube". Son conseil aux gens au pouvoir en Égypte : « Il faut conduire le changement, en prendre la tête, en faire partie, et assurer un avenir meilleur pour le peuple d'Égypte. »

Cette déclaration a suscité du mécontentement dans plusieurs sphères. L’analogie du « dentifrice dans le tube » était une bien mauvaise idée. Elle suggère un dégât. À la chute du mur de Berlin, personne n’a parlé de l’impossibilité de « remettre le dentifrice dans le tube. » Enfin, imaginez un peu si un chef d’État avait dit qu’on ne pourrait jamais « remettre le dentifrice dans le tube » quand l’Apartheid a pris fin en Afrique du Sud.
Ce n’est pas étonnant qu’on n’ait pas réussi à obtenir de siège au Conseil de sécurité des Nations Unies. On ne joue pas un rôle très constructif sur la scène internationale.

À la défense de Stephen Harper, ses commentaires n’étaient pas les plus gênants au monde. En effet, ce grand honneur – ou plutôt ce grand déshonneur – revient à l’ancienne candidate à la vice-présidence des États-Unis, Sarah Palin :

« Et personne, mais je dis bien personne, n’a encore pris la peine d’expliquer aux Américains ce qu’ils savent au juste, et ils savent certainement mieux que nous tous qui remplacera Moubarak, et non, je ne me réjouis pas, mais alors pas du tout, de ce qui est en train de se produire au niveau national et à Washington quant à leur compréhension de toute la situation là-bas, en Égypte. Et dans ces régions qui sont tellement volatiles en ce moment, parce que de toute évidence il ne s’agit pas seulement de l’Égypte, mais des autres pays aussi où nous voyons des mouvements de révolte, nous savons qu’aujourd’hui plus que jamais nous avons besoin de gens forts et sains d’esprit là-bas, à la Maison-Blanche. Nous avons besoin de connaître la position de l’Amérique pour savoir qui la Maison-Blanche soutiendra. Et nous n’avons pas encore toute cette information. »

Mon Dieu.

Je suis ravie de constater que les verts partout dans le monde savent exactement qui soutenir et comment exprimer leur engagement en faveur de la démocratie.