Quand il s'agit de donner des entrevues de fin d’année aux médias, l’entrevue de Jim Flaherty avec le Globe and Mail dans laquelle il tire sur le messager à boulets rouges restera dans les annales.
D’abord, ce gouvernement efface les surplus du Canada (et le tandem Flaherty-Harper ne peut pas prétexter la récession cette fois – les déficits sont apparus avant septembre 2008). Ensuite, il passe son temps à réduire l’impôt des sociétés pendant qu’il augmente ses dépenses. Lorsque le directeur parlementaire du budget (un poste créé justement par le gouvernement Harper) a annoncé que ces politiques provoqueraient un déficit structurel, Flaherty a nié en bloc avant de changer de stratégie pour tirer un peu plus sur le messager et peu moins sur le message.
Le directeur parlementaire du budget (DPB), Kevin Page, est dans la mire du clan Harper depuis deux ans. Il a courageusement continué à produire des rapports de qualité sur l’état des finances de la nation, sans jamais tenter d’obtenir la faveur des politiciens. C’est ainsi que le DPB annonça un jour que le gouvernement était peu susceptible d’atteindre ses cibles de réduction du déficit, qu’il n’avait aucune preuve valable de la création d’emploi prévue dans le plan de relance de l’économie – le plus imposant de notre histoire – que le soi-disant durcissement de ses politiques de répression de la criminalité se traduirait par des dépenses de plusieurs milliards de dollars, et ainsi de suite.
On aurait pu s’attendre à ce qu’une entrevue de fin d’année avec un grand quotidien national soit l’occasion pour le ministre des Finances de centrer son propos sur les enjeux économiques. Mais non, pas dans ce gouvernement. De toute évidence, il a vu une belle occasion d’attaquer Kevin Page, et il en a profité. Il transparaît depuis de nombreuses années que le budget du DPB est anémique. Les compressions budgétaires dont le directeur fait les frais signifient qu’il doit sans cesse compter sur du personnel prêté par le Conseil du Trésor et les Finances. Les compressions budgétaires sont l’une des tactiques utilisées par le clan Harper pour se venger du DPB. Mais Flaherty est allé encore plus loin – il a osé suggérer que le directeur ne manquait pas d’argent, mais de « crédibilité ».
Un coup bas n’attend pas l’autre. D’abord on s’en prend au messager, ensuite on s’attaque à la qualité du travail. Le problème de Flaherty est que les économistes indépendants ont tendance à accorder davantage de crédibilité au DPB.
Après avoir harcelé une longue liste de fonctionnaires – Linda Keen, Paul Kennedy, Pat Strogan, pour ne nommer que ceux-là –, on peut certainement accorder de la crédibilité à la menace posée par le clan Harper. Je lève mon chapeau à Kevin Page pour avoir conservé son intégrité personnelle. Maintenant que nous savons qu’il ne briguera pas un second mandat, le moment est venu pour les partis de l’opposition de s’unir pour faire en sorte que le nouveau directeur parlementaire du budget dispose des ressources nécessaires pour offrir des conseils indépendants aux futurs parlements.