Des élections à l’automne?

Elizabeth May

Les médias accumulent de plus en plus d’hypothèses sur la possibilité d’une prochaine élection. Personnellement, je crois que tous les indices convergent vers une élection à l’automne. Je pense que la plupart des commentateurs, qui fondent leurs suppositions sur les variations spontanées des sondages et sur l'avis des experts sur le « que s'est-il passé il y a dix minutes? », sont à côté de la question.

La question n’est pas « est-ce que les Canadiennes et les Canadiens veulent une élection? » (bien que cette question soit tout à fait pertinente), mais plutôt « le gouvernement jouit-il de la confiance de la Chambre? »

Cette question peut sembler venir tout droit d'un cours de première année de sciences politiques plutôt que de l’approche davantage apparentée à une manifestation sportive que nous connaissons habituellement, mais elle reste essentielle.

Pour bien maîtriser cette question, nous devons considérer la situation dans une perspective à plus long terme.

Nous pourrions examiner le court laps de temps qui s’est écoulé depuis la création du Bloc québécois, la montée du Reform Party, puis de l'Alliance et ensuite la cannibalisation du Parti progressiste-conservateur par l’Alliance et conclure que la politique canadienne est en état de déséquilibre. Tout est hors de contrôle. Le programme néoconservateur des partisans de Harper est bien loin du vieux parti PC. L’élément progressiste des conservateurs rouges se cache.  

C’est dans l’espace créé par ce déséquilibre que les verts prennent leur essor (et également parce que le NPD a décidé de devenir le gouvernement, ou l’opposition officielle, en attente au lieu de rester la conscience du pays. Lorsque la conscience autoproclamée du pays décide de se compromettre pour obtenir un plus grand pouvoir, il se crée un créneau pour le parti voulant devenir une conscience). Et les verts entrent en scène.   

Les futurs historiens pourraient bien se concentrer sur le passé récent. Le pays n’est pas encore sorti de la menace que le gouvernement Harper s’était infligée lors de son énoncé économique en novembre 2008.    

Après l’élection du 14 octobre 2008, l’opinion répandue voulait que le mandat du gouvernement minoritaire de Harper dure environ deux ans. En réalité, le gouvernement a failli tomber quelques semaines plus tard en raison d’une grossière erreur de la part du premier ministre lors de la mise à jour économique de novembre. À la suite de sa célèbre approche pour régler la crise économique « si nous allions vers une récession, nous serions déjà en récession », il a trahi ses engagements pris au sommet de l’APEC vieux de quelques jours seulement et a décidé de prétendre que le budget du Canada serait excédentaire pendant les cinq prochaines années. Sans plan de relance économique. Sans réaction à la crise. En plus de cette erreur, ajoutez la tentative de retrait de l’équité salariale dans la fonction publique et de suppression des réformes de financement des campagnes de l’époque Chrétien.   

Tadam! Le premier ministre a transformé son mandat de deux ans en un effort improvisé pour s’accrocher au pouvoir. Il n’a eu qu’à exacerber le régionalisme, à tenter de retourner le reste du Canada contre les électeurs du Québec et, pour la première fois dans l’histoire de tous les pays du Commonwealth, à réussir à fermer la Chambre des communes pour éviter un vote de confiance.

Harper a survécu à la crise de justesse, mais il ne profite toujours pas de ce que nous pourrions appeler la « confiance de la Chambre ».

Ignatieff n’a pas tenu sa promesse faite au caucus libéral (tous les députés ont signé une promesse de soutien de la coalition, mais le nom de Ignatieff apparaît en dernier sur la liste) et aux autres partis d’opposition lorsqu’il a, en tant chef du Parti libéral fraîchement élu, décidé d’appuyer le budget de 2009. Mais « l’appui » de monsieur Ignatieff était conditionnel. Il a déclaré que le gouvernement était « en probation ». Ce qu’il voulait signifier n’était pas clair, mais il est certain qu’il ne parlait pas de confiance envers le gouvernement.

Nous serons à la veille d’une élection pendant toute la prochaine session du Parlement. Monsieur Harper n’a tout simplement pas la confiance de la Chambre. Il ne l’a pas méritée non plus. Il n’a pas réussi à faire participer les autres partis à un programme commun pour faire fonctionner le gouvernement. Il se livre encore à ses jeux. La dernière myriade de nominations partisanes au Sénat n’aide pas à créer une atmosphère moins partisane (bien que la nomination de Gary Doer au poste d’ambassadeur aux États-Unis laisse entendre qu’il puisse utiliser une approche plus balancée et concertée).

Voici la situation actuelle : une journée d’opposition est prévue pour monsieur Ignatieff le 28 septembre. Je crois qu’il présentera une motion de défiance. Les répercussions récurrentes du mauvais jugement de monsieur Harper en novembre dernier ne se sont pas dissipées. Même chose pour le climat d’instabilité politique de la dernière décennie ou presque.

Je crois que les chances qu’il n’y ait pas d’élections à la suite de ce vote sont très minces. Si ce n’est pas le cas, ce sera pour très bientôt. Il est impossible d’avancer dans cet état dysfonctionnel d’élections à répétition. Tout comme lorsqu’il y a de la tempête dans l’air, il faut quelquefois une bonne averse pour changer d’atmosphère.