Que signifie la « défense » au XXIe siècle?

Elizabeth May

Nous continuons de parler de la défense sans nous poser certaines questions essentielles : Y aura-t-il une guerre? Qui se fera la guerre? Et quelles sont les véritables menaces pour la sécurité au Canada? Nous devons admettre que, après la Seconde Guerre mondiale, la guerre froide a fait des millions de victimes à cause des conflits par procuration que se livraient les superpuissances. Depuis les événements du 11 septembre et les attentats inqualifiables qui ont été perpétrés contre des personnes innocentes au World Trade Center, nous avons fait face, pour la première fois depuis la fin de la guerre froide, à des menaces pour la sécurité largement diffusées. On associe souvent les actes terroristes à la « guerre contre le terrorisme » mais ce terme n’est pas très utile. L’ancien ambassadeur du Canada aux Nations Unies, Paul Heinbecker, a souligné que nous ne pouvons partir en guerre pour un nom. Les menaces pour la sécurité que représentent les terroristes sont sérieuses, mais les mesures pour s’y préparer s’apparentent davantage à des mesures de maintien de l’ordre qu’à une réponse militaire complète.

Il est plus que probable que le Canada n’ait plus jamais à faire la guerre comme autrefois, quand deux nations distinctes s’opposaient l’une contre l’autre. Au XXIe siècle, les menaces pour la sécurité seront différentes de celles qui pesaient sur le monde au cours du siècle dernier. Aujourd’hui, l’approche 3D du Canada (défense, diplomatie et développement) comporte des éléments clés. Or, nous avons négligé de tenir un débat national sur l’importance relative de chacun de ces éléments.

Malheureusement, depuis l’arrivée au pouvoir de Stephen Harper, le rôle de notre corps diplomatique n’a jamais cessé de s’étioler : on a vu des ambassades fermer, la pertinence de nos diplomates contestée, et le respect du multiculturalisme, par le Canada lui-même, remis en question. Notre rôle de gardien de la paix, un rôle inventé par l’ancien premier ministre, l’honorable Lester Pearson, a également disparu. Bien que nous continuions à faire des dons en argent aux missions de maintien de la paix, le Canada ne fournit pratiquement plus de personnel pour y participer.

Pendant ce temps, partout dans le monde, des organismes militaires, du Pentagone, aux États-Unis, jusqu’à l’armée britannique, considèrent désormais la crise climatique comme une menace sérieuse pour la sécurité. Le réchauffement climatique anthropique représente un danger réel et imminent.

L’instabilité politique mondiale sera exacerbée par les pertes de récolte, la hausse du niveau des océans et l’avènement de millions de réfugiés de l’environnement. L’efficacité de la réaction militaire du Canada sera beaucoup plus grande si l’armée est utilisée pour intervenir en cas de catastrophe naturelle, et non pour envoyer des chasseurs furtifs.

Pour lutter contre cette menace pour la sécurité, due à l’action de l’homme, la réduction des émissions de gaz à effet de serre est l’une des mesures de prévention responsables à envisager, dès lors que celle-ci est appliquée de façon vigoureuse, avec une échéance précise.

Le Parti vert du Canada demande au gouvernement de mettre en œuvre sans tarder les priorités suivantes dans le but d’établir une stratégie de défense réaliste pour le XXIe siècle :

  • Réharmoniser nos dépenses en matière de défense afin d’accroître la capacité et la vitesse de réaction de l’intervention lors de catastrophes (p. ex. par l’intermédiaire de l’Équipe d'intervention en cas de catastrophe [EICC]) et nos contributions aux missions et aux forces de maintien de la paix des Nations Unies, et diminuer notre contribution aux efforts de guerre de l’OTAN.
  • Rebâtir les liens brisés au sein du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI), du ministère de la Défense nationale et des Forces canadiennes (MDN/FC) et de l’Agence canadienne de développement international (ACDI), afin de planifier, organiser et exécuter de manière efficace et efficiente nos missions à l’étranger.
  • Jouer un rôle de premier plan dans la création d’une force d’intervention rapide de l’ONU, dont le mandat sera le maintien de la paix et la restauration de l’environnement, tant dans des situations de crise internationale que des catastrophes nationales, inondations, tremblements de terre, tempêtes et incendies, par exemple.
  • Donner des directives aux ambassades et aux consulats canadiens établis dans le monde entier afin qu’ils développent des capacités efficaces de reconnaissance et d’évaluation précoces des catastrophes dans le but de raccourcir les délais d’intervention du Canada.
  • Refuser d’utiliser la doctrine de la responsabilité de protéger des Nations Unies (R2P) comme solution militaire pour imposer l’aide d’urgence dans les pays qui la rejettent.
  • Axer les efforts et les investissements en matière d’aide au développement dans les domaines suivants :
  • Encourager les carburants de remplacement et les sources d’énergie qui réduisent radicalement le besoin d’importer du pétrole et du gaz naturel et favorisent la croissance, dans le pays bénéficiaire, de la propriété indépendante ou majoritaire de ces secteurs ou entreprises, à mesure qu’ils se développent.
  • Se concentrer sur les secteurs agricoles qui assurent la souveraineté alimentaire, à l’aide, à la fois, de l’agriculture de subsistance et des méthodes de production agricole commerciale, qui sont respectueuses de l'environnement et des principes d’égalité entre les sexes.
  • Accroître le commerce bilatéral, dans la mesure du possible, afin de faciliter l’exportation de produits à valeur ajoutée provenant des petits États insulaires.
  • Appuyer et renforcer la coopération avec les organisations régionales en vue d’atteindre l’objectif de souveraineté et d’indépendance régionales.
  • Soutenir la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies et s’assurer que ses principes sont au centre de la politique étrangère du Canada.
  • Appuyer la création d’un ministère de la paix et de la sécurité.
  • Revoir l’adhésion du Canada à des alliances militaires comme l’OTAN et le NORAD, afin de veiller à ce qu’elles soient conformes aux priorités du Canada relativement à la diplomatie, au développement et à la défense.
  • Accélérer immédiatement le désarmement nucléaire mondial et transformer les industries militaires au Canada et ailleurs dans le monde en industries pacifiques, axées sur la restauration environnementale.
  • Répondre aux besoins urgents relatifs à la recherche et au sauvetage aériens et maritimes, avec des avions de recherche et de sauvetage et des navires et brise-glace de la Garde côtière.
  • S’assurer que les anciens combattants du Canada sont traités avec respect et que ceux qui ont besoin de traitements continus ou de prestations d’invalidité reçoivent des indemnités à tout le moins aussi généreuses que celles que reçoivent les victimes d’accidents du travail.

Ce ne sont là que quelques mesures qui permettront de créer une paix et une sécurité véritables à l’échelle planétaire.