Que réserve l'avenir pour Harry Potter?

Elizabeth May

À présent que notre enfant-sorcier a vaincu le mal et terrassé Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom,
que lui réserve l'avenir?

Harry Potter et les Saint-Morts du Climat? Harry Potter et la Planète en
feu? Harry Potter et la Pierre de la science?

Je suis une fan finie depuis le tout premier tome. Ma fille venait à
peine d'avoir huit ans et elle lisait à voix haute pour moi pendant que je
nous ramenais de l'île du Cap-Breton à Halifax (j'enseignais cette année là à
l'Université de Dalhousie). Je me souviens parfaitement du moment précis où
j'ai décidé que j'aimais J.K. Rowling. La phrase était :
« L'atmosphère dans la classe était torpide. » « Torpide. »
Je venais de réaliser qu'Harry Potter était une série qui ne faisait pas
de courbettes pour les enfants, qui ne présumait que leur vocabulaire devait se
limiter à ce qu'on peut lire sur l'emballage d'un Joyeux festin.

J'ai également découvert en Harry Potter une analyse sociale à la
Jonathon Swift. J.K. Rowling emploie la satire pour mettre en lumière
certains aspects de la société moderne. Rita Skeeter, journaliste pour le très
magique Daily Prophet, aurait été parfaitement
à l'aise de travailler pour Rupert Murdoch. Les Mange-Morts, les fidèles
compagnons de Voldemort, étaient des racistes et des fascistes qui n'étaient
pas sans rappeler les néo-nazis dans leur quête pour la pureté de la race de
sorciers et leur désir d'écraser les sorciers métis. C'était comme si Rowling
inoculait toute une génération contre le préjudice racial. Hogwarts était
décidément, et délibérément, un endroit diversifié sur le plan ethnique avec
des étudiants originaires d'Afrique, d'Asie du Sud et de Chine. Malgré quelques
fous convaincus qu'Harry Potter versait dans la science occulte, les étudiants
de Hogwarts célébraient Noël et Pâques. La morale principale des
sept tomes est que le bien doit toujours triompher du mal. Le sacrifice et
l'altruisme seront toujours valorisés.

Rowling a aussi offert une critique impressionnante sur la culture consumériste
sans conscience. C'était le monde des Moldus. Les gens dénués de pouvoirs
magiques, certains des Moldus, avaient été reconnus comme ayant des pouvoirs
magiques et obtenu une place à Hogwarts. D'autres personnes n'ayant aucun
pouvoir magique vivaient dans des endroits comme Little Whinging, où vivaient
également l'oncle et la tante d'Harry, les Dursleys, des gens méchants. Les
Dursleys magasinent, mangent et se vantent constamment. Ils sont cruels envers
l'orphelin qu'est Harry Potter, mais encore plus cruels envers leur propre fils
avec toutes leurs attentions qui n'en finissent plus. Dudley est devenu un
voyou grotesque, gâté, qui réclame toujours plus de cadeaux, de jouets et de
nourriture. Condamné au consumérisme et à ne jamais avoir une seule pensée
magique.

Un des auteurs et militants que je préfère, Bill McKibben, a écrit
quelques essais dans lesquels il établit des parallèles entre les Moldus et le consumérisme.
Je n'ai pas réussi à retrouver l'article principal, publié dans le magazine Sierra, mais je m'en souviens bien. Le
passage suivant est tiré d'un essai intitulé « L'environnement
mental » publié dans Adbusters
en juin 2010.

[traduction]

« L'esprit et le cœur humains ne sont pas encore morts; on ne peut
désormais plus ignorer les signes qui indiquent que nous vivons à l'heure de la
résistance, qu'un million de Vaclav Havel, bien que muets et incertains de
leur mission, se lèvent ici et là pour lutter contre l'assaut. Si on me demande
ce que je retiens de la bataille de l'OMC à Seattle, ce n'est pas la volée de
balles ni les gaz asphyxiants qui me viennent spontanément à l'esprit, mais
l'énorme ballon jaune qui s'élève au-dessus de la mêlée avec l'inscription
"Réveillez-vous les Moldus". Si vous avez lu Harry Potter, alors vous
savez : les Moldus sont nous tous, qui vivons dans un monde magique, mais
sans pouvoir en apprécier la beauté, concentrés que nous sommes sur nos
téléviseurs et les centres commerciaux. Mais nous nous réveillons, et nous le
faisons en nombres suffisants pour nous assurer de mener un combat pour
l'environnement mental au même titre que nous l'avons fait pour l'environnement
physique. Et, bien sûr, ces combats se chevaucheront. »

Le combat contre la crise climatique ne chevauche pas le combat pour la
justice. Cependant, les deux chevauchent la quête de sens, pour une vie vécue,
pour acquérir une meilleure connaissance des mystères et des miracles qui
donnent tout leur sens à la vie et la rendent possible.

Hey les Moldus, réveillez-vous!