Nous avons déjà vu ce film...

Elizabeth May

Il est plutôt rare que les nouvelles sur les échecs et les abus du gouvernement rendent les gens physiquement maladies. Mais la possibilité que des soldats canadiens arrêtent régulièrement des civils en Afghanistan sans raison apparente pour les remettre entre les mains de personnes qui les tortureront probablement en a rendu un malade. Le fait que nous, en tant que nation, avons arraché beaucoup (des centaines?) de personnes à leurs familles pour les jeter dans des prisons horribles est tout simplement dévastateur. Nous parlons de crimes de guerre, mais également des vies des personnes que nous sommes censés protéger.  

Je me rappelle que les membres du gouvernement ont toujours nié savoir quoi que ce soit à  ce sujet. L’ancien ministre de la Défense, Gordon O’Connor, avait indiqué que le gouvernement se fiait à la Croix-Rouge pour évaluer l’état de santé des prisonniers afghans une fois remis aux autorités afghanes. Monsieur O’Connor a donné cette réponse pendant une année entière, même si elle était fausse. Entièrement fausse. Même si le président de la Croix-Rouge internationale a rectifié ces renseignements auprès de monsieur O’Connor en septembre 2006, ce dernier s’en est tenu à ses histoires à dormir debout selon lesquelles nous faisions confiance à la Croix-Rouge pour savoir si des prisonniers sous notre responsabilité étaient traités de façon inhumaine. Lorsque son mensonge a été exposé, les excuses qu'il a proférées étaient boiteuses et évasives. 

Lors de la période de questions du 21 mars 2007, le premier ministre a attaqué l’ancien chef de l’opposition, Stéphane Dion, après que ce dernier ait demandé la démission de monsieur O’Connor. Stephen Harper a esquivé la question en déclarant : « Je peux comprendre la passion que le chef de l’opposition et les membres du parti de l’opposition ont pour les prisonniers talibans. J’aimerais seulement qu’ils démontrent parfois la même passion pour les soldats canadiens. » 
 

Et maintenant, un brave diplomate bien respecté, Richard Colvin, qui prétend que la torture était chose courante, fournit des preuves selon lesquelles ces faits étaient connus et que tous ses efforts pour documenter et signaler ces traitements ont été freinés à plusieurs reprises. Il a déclaré que le gouvernement ne répondait pas aux appels de la Croix-Rouge. Ses allégations nécessitent qu’un gouvernement responsable approfondisse la question pour découvrir les faits. 

Le gouvernement Harper s’est plutôt lancé dans une offensive médiatique pour attaquer monsieur Colvin et le décrire comme une personne qui été dupée par les talibans. Peter MacKay est également parti à l’attaque. Ils ont dépeint monsieur Colvin comme une personne ayant échafaudé une théorie folle, ou comme l'a écrit Don Martin, comme un « compère des taliban », qui ajoute que « le ministre de la Défense, Peter MacKay, est allé beaucoup plus loin jeudi en discréditant le plus possible le témoignage de monsieur Colvin et en demandant pourquoi ce dernier ne lui avait jamais fait part de ses préoccupations ». Mais comme le journaliste du Macleans, John Geddes a fait observer, ces accusations existent depuis un bon moment : 

« Dans une lettre au Secrétaire général des Nations Unies envoyée le 27 novembre 2006, la Human Rights Watch décrivait la situation dans laquelle se trouvaient les troupes canadiennes et les autres troupes :

    Les forces de l’OTAN on déclaré n’avoir fait que peu de prisonniers, même dans les zones de combat dans le sud de l’Afghanistan. Il y a deux semaines, les troupes néerlandaises déployées dans l’Oruzgan ont déclaré avoir fait leurs cinq premiers prisonniers, et les troupes canadiennes et britanniques déployées respectivement dans le Helmand et Kandahar, ont admis publiquement détenir moins de 100 prisonniers. Si la violence des combats dans ces régions est prise en compte, le nombre peu élevé de prisonniers est probablement dû à deux options inquiétantes : soit les forces de l’OTAN ne font pas de prisonniers, ou, plus probable, les forces de l’OTAN se soustraient à leurs accords bilatéraux en remettant immédiatement les prisonniers aux autorités afghanes, abrogeant ainsi leur responsabilité de surveiller le traitement des prisonniers.

    Nous avons reçu des rapports crédibles sur le mauvais traitement des prisonniers remis aux autorités afghanes par l’OTAN. D’après ce que nous savons, le ministère de la Défense afghan n’a pas mis en place de cadre juridique sur la détention des prisonniers. Nous savons que le gouvernement afghan n’a pas encore ratifié une loi sur les tribunaux militaires élaborée avec les autorités américaines. Pour l’instant, nous croyons qu’en pratique, la plupart des prisonniers de l’OTAN sont remis à la Direction nationale de la sécurité (DNS), une organisation sans transparence, abusive et n’ayant pas à rendre de comptes qui respecte encore des lois secrètes adoptées pendant l'ère communiste. Le DNS dirige des centres de détention qui ne sont pas conformes aux normes internationales sur le traitement des prisonniers.

    Les autres pays de l’OTAN ont pris soin de surveiller le traitement de leurs prisonniers. Le Canada ne l’a pas fait. Les implications du témoignage de monsieur Colvin nous ébranlent et touchent les valeurs morales à la base de notre pays.

    Maintenant, nous n’avons pas seulement un gouvernement qui a tendance à ignorer et à saboter les négociations sur le climat, nous avons également un gouvernement résolu à ignorer et à même défendre la torture.  

    J’ai déjà vu ce film. La tête d’affiche était George W. Bush.