COP21 - Blogue Finale

Elizabeth May

Le matin après treize jours… et trois nuits blanches.

L’Accord de Paris est finalement accepté. La décision relative à la vingt-et-unième session de la Conférence des Partis (COP21) a été approuvée. Mais qu’est-ce que tout cela signifie?

Je travaille sur la question du climat depuis 29 ans. Durant toutes ces années, j’ai été témoin de belles paroles de la plupart des politiciens, de courage de quelques politiciens, de vénalité de certaines sociétés (Exxon me vient en tête) et de leadership de la part d’autres politiciens. J’ai vu des occasions gaspillées au détriment d’opportunisme politique, des ententes signées qui sont reléguées aux oubliettes. De façon générale, nous avons tergiversé et avons gaspillé des décennies alors que nous aurions pu éviter la crise climatique presque entièrement.

Maintenant, nous y sommes. Avec des pertes de vie, des sécheresses dévastatrices, des vagues de chaleur, des phénomènes météorologiques extrêmes, une augmentation du niveau de la mer et la fonte des glaces de l’Arctique et du pergélisol. Le débat ne porte plus sur un problème à venir. Nous avons déjà modifié le climat. Le débat de 2015 porte donc sur les questions suivantes : Pouvons-nous éviter le pire des changements climatiques? Pouvons-nous assurer la survie de la civilisation humaine? Pouvons-nous sauver des millions d’espèces? Pour arriver à faire tout cela, nous devons nous débarrasser des combustibles fossiles. 

Vous entendrez certainement certaines personnes dénoncer l’Accord de Paris pour ce qu’il ne fait pas. Il ne répond pas à l’enjeu avec l’urgence suffisante. Il n’utilise pas les leviers de contrôle à la portée des gouvernements pour façonner un traité qui est applicable avec des sanctions commerciales qui renforcent le document. Ces critiques sont justes. En tant qu’avocat spécialisé en droit commercial, Steven Shrybman a affirmé voilà plus que dix ans : « Si les gouvernements prenaient autant le climat au sérieux que la protection des droits sur la propriété intellectuelle, nous aurions des lois qui exigeraient la réduction du carbone dans chaque pays. »

Néanmoins, l’accord de Paris est historique. Il pourrait même nous sauver la vie. Il fait plus que ce que beaucoup d’entre nous nous attendions lors du début de la conférence le 30 novembre. Il sera juridiquement contraignant. L’accord établit un objectif à long terme d’augmentation maximale de température de 1,5 degré, ce qui est de loin bien plus sûr que l’objectif (aussi difficile à atteindre) de 2 degrés. Ce faisant, il pourrait sauver la vie de millions de personnes. Il pourrait mener à la survie de nombreuses petites nations vivant proches du niveau de la mer. Cet accord pourrait donner à nos petits-enfants un climat bien plus stable que celui que nous connaissons et une société plus prospère et plus en santé. Cela signifie clairement que le monde a accepté que la plupart des réserves connues de pétrole doivent rester sous terre. 

Il est absolument vrai que le Canada en annonçant son soutien pour un seuil de 1,5 degré en plein milieu de la conférence a bouleversé les négociations, c’est-à-dire qu’il a permis de garder cette cible dans l’accord. J’ai entendu cette affirmation d’amis et de personnes en provenance de partout dans le monde. 

Pour éviter le seuil de 1,5 degré, nous devons agir immédiatement. Malheureusement, l’accord n’entrera en vigueur qu’en 2020 (après avoir été ratifié par 55 pays signataires représentant au moins 55 pour cent des émissions totales). Nous avons introduit dans la révision obligatoire générale tous les cinq ans ce que l’on peut appeler un mécanisme d’engagements à la hausse. 

Ce mécanisme qui force tous les gouvernements à évaluer l’efficacité de leur propre plan ne sera en branle qu’en 2023. Cet écart entre 2015 et 2023 pourrait bien éliminer toute option de maintenir les températures à moins de 1,5 degré ou même 2 degrés. 

En plus de l’Accord de Paris, nous avons aussi adopté la décision de la COP21. Cette décision inclut certaines mesures avant 2020. Le langage utilisé est loin d’être parfait, mais il nous donne la chance d’augmenter les cibles avant 2020. En 2018, il y aura un dialogue de facilitation au sein des Nations Unies pour faire le point sur les cibles et pour préparer de nouvelles cibles pour 2020. Le document sur cette décision est en fait plus long que l’Accord lui-même et comprend de nombreuses mesures à prendre au cours du processus en cours des conférences de la CCNUCC. Parmi ces mesures, on demande au GIEC de faire un rapport aux conférences des parties en détaillant quels niveaux d’émissions de GES nous mèneront à contenir la hausse moyenne de la température de la planète en dessous de 1,5o C par rapport à l’ère préindustrielle.

Les Canadiens et Canadiennes peuvent être fiers du travail de notre gouvernement à Paris. Même si je ne soutenais pas notre position sur chaque question débattue, je ne pourrais être plus fière de ce que nous avons fait sur la plupart de ces questions. Je ne pourrais non plus jamais assez remercier notre nouvelle ministre de l’Environnement et du Changement climatique (qui est ces jours-ci complètement exténuée), Catherine McKenna.   

Ce qui importe maintenant, c’est ce que nous avons à faire à partir de maintenant. La cible du Canada demeure la même que celle du gouvernement précédent. Nous n’avons pas de temps à perdre à travailler et à améliorer notre cible. Nous devrions nous préparer à l’améliorer encore en 2020. Assurons-nous d’entreprendre la démarche dès maintenant. Dans leur plate-forme, les libéraux s’engageaient à l’intérieur de 90 jours après la COP21 à consulter les provinces et les territoires. Dans son discours à la COP21, Justin Trudeau a ajouté qu’il voulait aussi consulter les municipalités et les Premières Nations. L’idée est excellente. Idéalement, cette approche peut aller de l’avant rapidement pour déterminer une cible plus ambitieuse avec des mesures énoncées dans le budget du printemps de 2016. 

Dans le document de la décision, on a choisi le Jour de la Terre 2016 pour les signatures officielles à l’Accord de Paris. On a demandé à Ban Ki-moon d’organiser une cérémonie de signatures à New York au siège social des Nations Unies. Prenons quelques instants pour remercier le premier ministre Trudeau et la ministre de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, et les encourager à faire en sorte qu’une nouvelle cible soit prête pour adoption lors de la rencontre des Nations Unies le 22 avril 2016 lorsque les représentants du Canada arriveront et inviteront tous les autres pays à améliorer leur propre cible.

Paris nous a lancé une bouée de sauvetage. Ne la laissons pas glisser entre nos doigts. 

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Pour plus de détails, j’ajoute l’excellent blogue de mon ami et collègue, le chercheur Kennedy Graham, député du Parti vert de la Nouvelle-Zélande.

 

L’Accord de Paris a donc été adopté « devant moi » au moment où j’écris ces lignes, dans une pièce adjacente à la salle plénière. Le document vient tout juste d’être traduit dans les six langues officielles des Nations Unies et différents groupes se sont rencontrés. La séance plénière vient tout juste d’adopter l’Accord.

Le monde entier pousse un soupir de soulagement. Copenhague vient d’être conjuré. Les talents diplomatiques français ont prévalu; « l’esprit de Paris » règne.

Il y a eu de nombreux beaux discours de la part des chefs à cette conférence, et pour cause. Le moment est historique.  

Le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, à titre de président de la conférence, exhorte ainsi les délégués : « La fin est proche. Finissons maintenant le travail. » Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, qualifie l’Accord de « souple, robuste, significatif et efficace ». Le président français, François Hollande, le qualifie d’« ambitieux, mais réaliste » et, selon ce qui pourrait bien devenir la caractérisation populaire de la rencontre, il affirme : « Ce qui nous réunit, c’est la planète. »  

Ces affirmations ne sont pas exagérées. Le résultat est historique. De façon substantielle et pour la première fois, la communauté internationale fait front commun devant un problème planétaire. Toutes les 196 Parties acceptent l’obligation juridiquement contraignante d’adopter des mesures efficaces pour éviter des changements climatiques dangereux. La Convention Cadre de 1992 a mis en place l’objectif global et la structure. Le protocole de 2015 (aussi connu sous le nom d’Accord de Paris) nécessite des contributions déterminées au niveau national (CDNN) de chaque Partie pour réaliser l’objectif global. C’est un énorme succès.  

La partie difficile commence maintenant. Elle est difficile parce que les 196 Parties sont, actuellement, en retard sur l’effort global. Et de façon encore plus cruciale, il faut encore démontrer que le mécanisme pour remédier à la situation actuelle est adéquat. 

Voici les parties cruciales du texte avec des commentaires.

L’objectif de l’Accord vise à « renforcer la riposte mondiale à la menace des changements climatiques ». Il sera atteint en « contenant l’élévation de la température moyenne de la planète nettement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et en poursuivant l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C ». (Article 2). 

Commentaire : Viser « nettement en dessous de 2 °C » est un pas important. Même si la référence à 1,5 °C est bonne d’un point de vue politique, des incertitudes scientifiques persistent à ce sujet. Certains scientifiques croient que nous sommes déjà coincés dans le seuil de 1,5 °C; d’autres croient que nous avons une très mince occasion de demeurer en dessous de cette cible. Étant donné le taux actuel de l’augmentation des émissions globales, il est presque certain que nous enfreindrons cette cible de 1,5 °C. Ce faisant, nous devrons revenir à ce niveau avec des émissions globales négatives nettes au cours du siècle actuel.

Ne nous faisons pas d’illusion quant à l’ampleur de la tâche. Les émissions annuelles actuelles sont d’environ 50 gigatonnes. 

  • Selon le PNUE, les CPDNN auront pour résultat la production de 55 gigatonnes en 2030, une augmentation de 10 pour cent.
  • Pour le plafond de 2 °C, les émissions cette année-là devront être de 42 gigatonnes, soit une diminution de 16 pour cent.  
  • Pour le plafond de 1,5 °C, les émissions cette année-là devront être de 39 gigatonnes, soit une diminution de 22 pour cent.  

« Les Parties cherchent à parvenir au plafonnement mondial des émissions de gaz à effet de serre dans les meilleurs délais. » (Article 4)  

Commentaire : Le GIEC indique que nous devons atteindre le plafonnement mondial des émissions avant 2020 pour demeurer sous le seuil du 2 °C. Cela ne se matérialisera pas.  

Les Parties veulent « parvenir à un équilibre entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre au cours de la deuxième moitié du siècle ». Il s’agit essentiellement de la définition de la réduction à zéro des émissions mondiales. (Article 4).

Commentaire : Certains scientifiques croient que nous devons atteindre la réduction à zéro des émissions globales entre 2060 et 2080 afin de demeurer sous le seuil du 2 °C. Parler de « deuxième moitié du siècle » est trop vague et ne consiste qu’à jouer à la roulette russe avec la planète.  

Dans la décision qui accompagne l’Accord de Paris (FCCC/CP/2015/L.9, par. 17), la Conférence des Parties note « avec préoccupation que les niveaux des émissions globales de gaz à effet de serre en 2025 et 2030 estimés sur la base des contributions prévues déterminées au niveau national ne sont pas compatibles avec des scénarios au moindre coût prévoyant une hausse de la température de 2 °C, mais se traduisent par un niveau prévisible d’émissions de 55 gigatonnes en 2030 ». Il devra y avoir des efforts beaucoup plus importants pour réduire les émissions que les contributions actuelles prévues déterminées au niveau national.

Commentaire : Le texte final est une avancée majeure; il est beaucoup plus fort que celui du 10 décembre. 

  • Pour la première fois, un texte avance un chiffre de 55 gigatonnes d’émissions globales pour 2030. Il s’agit d’une façon de faire rare et rafraîchissante qui s’éloigne de la norme selon laquelle les diplomates ont tendance à brouiller les chiffres et les faits. Il faut noter l’ampleur du défi comme il est décrit précédemment.
  • Deuxièmement, le texte précédent suggérait simplement que « des réductions bien plus importantes » devraient être effectuées après 2025. Le texte final (par. 17) avance que les réductions (sans calendrier) devront être faites à un niveau qui sera déterminé par le rapport de 2018 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (par. 21) et que les cibles devront être évaluées dans un dialogue de facilitation en 2018 (une année plus tôt que le texte précédent).    

Et puis il y a le premier bilan mondial selon lequel les Parties feront « périodiquement le bilan de la mise en œuvre du présent Accord » (Article 14 de l’Accord). Le premier bilan est prévu en 2023.

Commentaire : Cela est adéquat aussi longtemps qu’il s’agit d’un bilan mondial politique de l’Accord et non pas le premier calcul du caractère adéquat des contributions prévues déterminées au niveau national (CPDNN).  

Commentaire général :

L’Accord de Paris est extraordinaire. Il est aussi bon, ou mieux, que ce que nous aurions espéré. Même au cours des vingt-quatre dernières heures, ce qui est ressorti comme étant un bon texte a été renforcé en quelque chose qui est possiblement efficace. La volonté politique est là, peut-être pour la première fois.

Tout dépend, cependant, de la synchronisation de ces efforts pour améliorer l’objectif ambitieux de toutes nos contributions nationales. Voici deux choses :

  • Il est important que les « contributions prévues déterminées au niveau national » (CPDNN) n’aient pas de statut. Les CPDNN qui auront un statut seront celles qui seront dévoilées d’ici la ratification par le pays. Cela veut dire par exemple que dans le cas de la Nouvelle-Zélande, dont les CPDNN ne sont que de 11 pour cent (comparées à 1990), il sera possible pour ce pays d’améliorer sa cible avant la ratification à la fin de l’année 2016.
     
  • Beaucoup de choses s’appuieront sur ce que représentera le « dialogue de facilitation » en 2018. S’il s’agit du début d’un échange véritable par rapport à l’amélioration de toutes les CPDNN de toutes les Parties à partir de 2018, il y a alors de l’espoir pour une action concrète. À l’inverse, s’il n’y a pas de mesures concrètes pour accroître notre ambition et que tout ce que nous faisons se résume à revoir nos cibles chaque cinq ans, alors nous aurons atteint les années 2020 sans aucune résolution nationale et internationale réelle. Nous aurons peut-être trop attendu.   

Laissons cet événement extraordinaire avec un ou deux faits bruts pour voir l’ampleur de notre tâche planétaire :

  • N’oublions pas qu’en ce qui a trait aux émissions actuelles, le bilan mondial du carbone sera utilisé aux environs de 2035. Faire le bilan de cibles nationales inadéquates dans les années 2020 ne suffira pas.
     
  • Les augmentations des émissions globales de 5 gigatonnes auront comme résultat un réchauffement d’environ 0,3°C. Les émissions globales annuelles augmentent d’environ 0,6 gigatonne chaque année. Nous ne pouvons par conséquent pas retarder notre action. Nous avons maintenant le cadre pour passer à l’action.   

L’Accord de Paris est donc un immense succès; la partie difficile vient maintenant de commencer.