La grève de la faim

Elizabeth May

L’autre jour, je lisais l’article de Naomi Klein, qui relatait comment elle s’était réveillée au beau milieu de la nuit pour s’occuper de son bambin s'arrêter un moment pour songer à la faim qui tenaillait sûrement la chef d’Attawapiskat Theresa Spence. J’ai songé en moi-même, « elle n’a pas faim. » Lors d’une grève de la faim, la sensation de la faim disparaît après environ trois jours. Jusqu’à tout récemment, je pouvais savoir à peu près ce que ressentait la chef Spence en me basant sur ma propre expérience de la grève de la faim en 2002. Cette année-là, j’avais passé environ la moitié du mois de mai assise devant la Colline du Parlement (avant les événements de septembre 2001, on pouvait s’assoir directement devant l’entrée des députés) pour exiger que les familles du cap Breton soient éloignées des vapeurs toxiques des étangs de goudron de Sydney. Les gens passaient leur temps à s’inquiéter pour moi et à me demander quelle était ma « stratégie de sortie. » Je n’avais pas de stratégie de sortie, sinon de gagner. C’était la seule réponse possible.

Au 17e jour de ma grève de la faim, le ministre de la Santé Alan Rock annonça que le gouvernement avait l’intention d’agir, et je mis un terme à ma grève de la faim.

Au-delà du 17e jour, je n’ai aucune idée de ce que peut ressentir la chef Spence. Je sais seulement qu’elle court de plus en plus de risques pour sa santé et qu’elle pourrait subir des dommages à long terme. Et puisqu’elle a rejeté toute stratégie de sortie autre que la victoire ou mourir pour sa cause, j’implore le premier ministre d’aller la rencontrer.

J’appuie sans réserve le mouvement de contestation #idlenomore. J’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour faire obstacle aux affres du projet de loi mammouth déposé à l’automne. Mes amendements portaient notamment sur une définition adéquate des « pêches autochtones » respectueuse des droits issus de traités et des droits inhérents des autochtones et sur la protection des eaux navigables du Canada. Le leader parlementaire Peter Van Loan a même tenté de bloquer mes amendements en plaidant auprès du président de la Chambre que mes amendements ne devraient même pas être autorisés étant donné que les chances de les voir adopter étaient nulles. C’est une application plutôt intéressante de la démocratie. Heureusement, le président de la Chambre a rejeté la notion avec fermeté. Mais Van Loan avait raison : tous les amendements ont été rejetés, qu’ils aient été produits par le NPD, les libéraux, le Bloc ou les verts. Le projet de loi C‑45 a reçu le feu vert de la Chambre et du Sénat, mais au moment où le mouvement de contestation #idlenomore prend forme, l’accord d’investissements Canada-Chine et les risques qu’il comporte en matière de violation des droits autochtones issus des traités et garantis par la Constitution n’a pas encore été ratifié.

Le premier ministre pourrait facilement rencontrer la chef Theresa Spencer – et il serait bien avisé de le faire bientôt. Cette « demande » est loin d’être exigeante. C’est une demande faite de nation à nation et, dans la mesure où elle constitue un précédent, elle est circonscrite par le fait que cette demande provient de la chef d’une Première Nation reconnue. La période des Fêtes n’est pas terminée avant l’Épiphanie, célébrée le 6 janvier. On peut certainement s’attendre à un certain degré de compassion de la part de l’appareil politique? J’ai téléphoné au cabinet du premier ministre pour demander qu’il rencontre la chef Spence dans les meilleurs délais.

Mettre un terme à cette grève de la faim constitue la première étape. Quand ce sera fait, il faudra prendre des mesures significatives dans un vaste éventail de dossiers importants qui affectent les Premières Nations d’un océan à l’autre. Pour cela, nous avons besoin de leadership et pour le moment, ce leadership provient de la mobilisation éclair d’une foule de joueurs de tambours et de manifestants, de femmes autochtones et de la jeunesse autochtone. Ce leaderhip provient de la chef Spence. Pouvons-nous espérer voir le 24 chemin Sussex réagir avec autant de leadership?