Une semaine sur la Colline

Elizabeth May

Une semaine
dominée surtout par les petits riens sans importance. J'ai enfin reçu les clés
de mon bureau lundi – après le vote de jeudi pour la présidence de la Chambre
et après le discours du Trône de vendredi. J'ai aussi trouvé mon siège à la
Chambre jeudi, situé dans un coin à l'arrière des dernières banquettes de l'Opposition.
La Chambre compte 308 députés, mais par un quelconque coup du destin, mon
siège porte le numéro 309. Ça me rappelle d'une certaine façon la plate-forme 9
¾. 

La semaine
a également été porteuse de faits marquants : trouver le moyen de
collaborer avec l'ensemble de mes collègues du Parlement, puisque je suis
déterminée à éviter de me perdre en conjectures à propos des gens élus sous une
autre bannière que la mienne; tisser des liens lors de réunions mondaines et d'autres
plus informelles, entre les débats; enfin, trouver le moyen d'intervenir
beaucoup plus souvent que l'ont prédit les grands pontes de la politique
parlementaire. Jusqu'à présent, en six jours de séance, le président de la
Chambre m'a accordé la parole quatre fois, soit plus souvent que la plupart des
députés de tout autre parti.

La
principale nouvelle de la semaine est sans contredit le rapport très attendu de
la vérificatrice générale. Dommage cependant que le gouvernement soit tombé avant
la publication du rapport. Il devait être déposé en avril, mais fut reporté à
cause des élections. À titre de mandataire du Parlement, la vérificatrice
générale ne peut déposer de rapport lorsque le Parlement ne siège pas.

La question
la plus souvent abordée par les autres députés de l'Opposition fut celle du
soi-disant Fonds d'infrastructure du G8. Le gouvernement avait dit au
Parlement que l'argent qu'il réclamait pour la circonscription de
Tony Clement (un remerciement de plusieurs millions de dollars à titre
d'hôte du G8) servirait à renforcer « l'infrastructure
frontalière », plus particulièrement à réduire la congestion à la
frontière. Ainsi, le Parlement a approuvé l'injection de 50 millions de
dollars dans l'infrastructure frontalière sans toutefois se douter que le
gouvernement avait l'intention de dépenser cet argent à 300 kilomètres de
la frontière. Pire encore, il n'y a eu aucune imputabilité en ce qui a trait au
processus décisionnel et sur la manière dont l'argent a été dépensé.
Tony Clement a dit aux maires de la région de Huntsville de présenter
leurs projets afin qu'il les approuve, sans aucun document précisant les
critères de sélection, les retombées escomptées ou leur raison d'être. Ils n'ont
fait que distribuer l'argent. Cet argent a permis de payer notamment pour des
toilettes installées à des kilomètres du sommet, un belvédère, le fameux bateau
à vapeur, des fleurs et des fontaines, et ainsi de suite (bien que l'argent
pour le faux lac provienne d'un autre fonds).

Chose
étonnante, le premier ministre a avoué au chef libéral par intérim,
Bob Rae, pendant la période des questions que si Rae avait été mieux
informé sur le Fonds d'infrastructure frontalière, il aurait su que l'argent
est souvent dépensé loin des frontières.

Pendant ce
temps, la vérificatrice générale a également découvert que les dépenses liées
au G20 avaient été largement surestimées. Elle parle d'ailleurs de décisions
prises à la dernière minute, dans un état de panique. Rien d'étonnant. La
planification pour le sommet du G8 était en cours depuis le
printemps 2008. La décision d'ajouter un deuxième sommet, celui du G20,
beaucoup plus complexe à organiser, est survenue un an plus tard, soit à
l'automne 2009. Cela laissait moins d'une année pour les préparatifs du
G20. Le rapport de la vérificatrice générale sert presque exclusivement à déterminer
la manière dont l'argent a été dépensé. Ainsi, elle a conclu que plus d'un
milliard de dollars avait été prévu pour des sommets qui ont coûté beaucoup
moins au final, soit 661 millions de dollars. Bien entendu,
661 millions de dollars sont beaucoup plus que ce que n'importe quel autre
gouvernement a dépensé à ce jour pour la tenue d'un sommet du G20. Les erreurs
commises initialement et les décisions précipitées ont engendré une dépense de
plus d'un million de dollars pour réserver le Palais des congrès de Toronto,
bien que personne ne l'ait utilisé. La panique et un chèque en blanc, voilà comment
tout cet argent a été gaspillé!

Cependant,
j'espère que la Chambre des communes nous fournira l'occasion de parler d'autre
chose que de l'argent gaspillé au sommet du G20. Pourquoi avons-nous offert
d'organiser un sommet du G20 en juin 2010, alors qu'un sommet était déjà
prévu en Corée du Sud pour novembre 2010, soit seulement quelques mois
après le fiasco monumental de Toronto? Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il
négligé de consulter les dirigeants de la Ville de Toronto pour convenir du
meilleur endroit pour réunir les participants au G20? Pourquoi fallait-il
qu'ils se réunissent au centre-ville de Toronto?

Néanmoins,
une question encore plus fondamentale demeure sur laquelle il faut enquêter :
pourquoi toutes ces violations des libertés civiles?

Pourquoi
les forces policières ont-elles reçu pour instruction d'autoriser les actes de
vandalisme, sans interférer ni appréhender personne, mais de foncer sur les
gens qui manifestaient pacifiquement pour procéder à des arrestations
arbitraires? Les pratiques douteuses de la police de Toronto, qui a bouclé des
pans entiers de la ville pour « nettoyer les rues », ressemblent
beaucoup à celles employées par la police londonienne pendant le sommet du G20
en 2009, qui ont entraîné une vague d'arrestations illégales et d'accusations
de brutalité policière au Royaume-Uni. Les accusations contre les manifestants ont
été abandonnées lorsque les jurés ont découvert que les provocateurs allégués
étaient de simples spectateurs pris dans la mêlée. Pouvons-nous tirer des
leçons de l'approche ultramilitarisée de notre sécurité et de la possibilité
que ce genre de démonstration de force militaire augmente le risque de violences?
Pouvons-nous tirer des leçons du sommet de Toronto et formuler des
recommandations à l'intention d'autres gouvernements sur la meilleure approche
à adopter pour trouver un meilleur équilibre entre liberté d'expression,
protection de la propriété privée et publique et sécurité des chefs d'État?

Après que
des allégations sérieuses aient été formulées quant à l'érosion des libertés civiles
en lien avec le sommet, le Parti vert a réclamé la tenue d'une enquête
publique. Les Canadiennes et les Canadiens méritent de savoir pourquoi le
sommet a coûté aussi cher, accompli aussi peu et laissé l'impression que
Toronto était une zone de guerre.

Nous savons
comment l'argent a été gaspillé. Nous devons à présent savoir pourquoi la
Charte canadienne des droits et libertés a fait office de dommage collatéral.
La deuxième question est beaucoup plus importante que la première.